La campagne vaccinale israélienne : prouesse logistique, fiasco démocratique

Steve OHANA
7 min readMar 16, 2021

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La campagne de vaccination israélienne est souvent présentée en dehors de ses frontières comme un grand succès sur le plan organisationnel et logistique. Si elle est incontestablement une réussite du point de vue du taux de personnes vaccinées (55% de la population totale a déjà été vaccinée d’au moins une dose, 46% des deux doses, en moins de trois mois), elle fut gravement défaillante du point de vue de la protection de la santé publique et de la qualité du débat démocratique.

I) La décision de se vacciner ou non contre la Covid doit être le résultat d’un débat éclairé et serein, fondé sur une information complète et transparente

La vaccination est un acte médical important, au plan individuel et collectif. Elle nécessite, de la part des autorités politiques et sanitaires, une attitude ouverte, prudente, transparente, et non dogmatique. Une attitude de sur-confiance, que ce soit en faveur ou en défaveur d’un vaccin, n’est pas susceptible d’apporter des résultats positifs en termes de santé publique.

Le débat scientifique et sociétal sur le vaccin contre la Covid doit porter en particulier :

  • Sur le risque de contracter une forme grave de la Covid, hors vaccin, en fonction de l’âge et de la condition de santé
  • Sur l’efficacité des thérapies alternatives au vaccin (ivermectine, azithromycine etc.)
  • Sur le statut exact et de ce nouveau traitement médical : « thérapie génique », comme est considéré le vaccin à ARNm Pfizer/BioNTech par la Food & Drug Administration (FDA) (p.16 du document lié) ? Ou « vaccin », comme nous avons coutume de l’appeler dans le débat public ?
  • Sur le recul dont dispose la science sur cette technologie
  • Sur l’efficacité et les risques relatifs de l’ensemble des vaccins disponibles sur le marché
  • Sur le niveau de responsabilité pris par les firmes vaccinales dans les effets secondaires éventuels
  • Sur le respect de l’éthique médicale et des droits humains fondamentaux. En particulier, pour un traitement en phase de test, toute personne traitée doit être informée au préalable qu’elle participe à un test médical ainsi que des risques qu’elle prend, en vue de donner son consentement éclairé en tant que participante à ce test.
  • Sur l’état d’avancée de la recherche quant à l’efficacité du vaccin et ses effets secondaires : dans quelle phase de test nous trouvons-nous ? quel recul de temps avons-nous sur les effets secondaires ? quelle est la durée de la mémoire immunitaire offerte ? y’a-t-il des évaluations indépendantes de l’efficacité et des effets secondaires du vaccin ?
  • Sur les effets secondaires à court et long terme, avérés et potentiels, du vaccin, en particulier :

o Impacts potentiels sur le système immunitaire et sur la vulnérabilité à de nouvelles infections

o Impacts potentiels sur le génome humain, au sein des générations actuelles et futures

  • Sur l’impact du vaccin en termes épidémiologiques :

o potentiel d’acquisition d’une immunité collective à long terme face aux variants futurs

o pression de sélection vaccinale pouvant favoriser l’émergence de variants potentiellement plus dangereux que ceux existant aujourd’hui

  • Sur la balance bénéfices-risques pour chaque tranche d’âge et les différents types de conditions médicales. Il est ainsi nécessaire de confronter le risque de contracter une forme grave de la Covid au risque de subir un effet secondaire du vaccin. En effet, la vaccination peut apporter une balance bénéfices-risques positive pour les personnes qui peuvent développer des formes graves. Cependant, un principe de prudence extrême doit s’imposer lorsqu’on vaccine des personnes bien portantes et présentant un risque extrêmement faible de contracter une forme grave de la Covid, en particulier les moins de 20 ans, pour qui le risque de mourir de la Covid sur une année donnée est de 3 sur 1 million en Israël.
  • Sur l’impact de la vaccination de chaque tranche d’âge de la population en termes d’utilisation des capacités de soin, et donc de possibilités d’ouverture de l’économie et du système scolaire.

II) La politique vaccinale israélienne a été défaillante à de nombreux niveaux

Examinons, à la lumière des principes énoncés précédemment, l’ensemble des défaillances de la politique vaccinale israélienne depuis décembre 2020:

  • Tout d’abord, Benyamin Netanyahu utilise la campagne vaccinale israélienne à des fins électorales pour assurer sa réélection le 23 mars 2021. Ces interférences entre campagnes électorale et vaccinale ne sont pas propices à un débat transparent et honnête sur le vaccin. Le précédent tragique du vaccin Dengvaxia de Sanofi aux Philippines aurait dû pourtant servir de leçon. Le président sortant Aquino avait lancé 45 jours avant les élections de 2016 une campagne de vaccination pour tenter de convaincre les Philippins qu’il prenait à bras le corps le problème de la dengue. L’expérience médicale s’est terminée en 2017, après qu’on s’est rendu compte que les personnes vaccinées présentaient un risque plus grand de contracter la dengue que les personnes non vaccinées.
  • Se pose ensuite un problème de transparence de l’information :

o Opacité sur le contrat entre le gouvernement israélien et Pfizer, qui fait craindre une capture de la politique israélienne par des intérêts privés. En particulier, Israël a donné à Pfizer l’exclusivité de l’exploitation des données médicales sur les résultats du vaccin ainsi qu’une exclusivité sur la vaccination en Israël. D’autre part, le géant pharmaceutique israélien Teva a obtenu de son côté l’exclusivité de la distribution du vaccin Pfizer en Israël.

o Absence d’information sur le caractère de « test clinique » de la campagne de vaccination israélienne. Le vaccin Pfizer étant en phase III de test jusque janvier 2023, cette absence de consentement éclairé de la part des vaccinés a justifié la plainte dont vient de se saisir la Cour Pénale Internationale à l’encontre du gouvernement israélien pour violation du Code de Nuremberg. Le gouvernement israélien a même précocement autorisé et encouragé la vaccination des femmes enceintes, avant même le lancement officiel par Pfizer du test clinique les concernant.

o Information trompeuse fournie par le ministère de la santé quant à la nature de l’approbation donnée au vaccin Pfizer par la FDA. En effet, sur son site internet, le ministère de la Santé omet de préciser que cette approbation a un caractère d’urgence uniquement.

o Absence de rapports officiels réguliers et détaillés sur les effets secondaires déjà observés du vaccin, sur le modèle de l’ANSM en France et du VAERS aux Etats-Unis. Des initiatives privées se sont donc naturellement développées pour informer le public des effets secondaires du vaccin Pfizer. Des témoignages de vaccinés victimes d’effets secondaires et de médecins décrivant anonymement ces effets se multiplient sur les réseaux sociaux mais sont rarement relayés par les hôpitaux et les grands médias.

o Absence de données chiffrées fiables sur le risque de contracter une forme grave de la Covid, avec ou sans vaccin, avant et après la seconde dose

o Absence de transparence sur la durée de la protection immunitaire offerte par le vaccin. En effet, après avoir affirmé au début de la campagne de vaccination que « l’épidémie serait terminée d’ici quelques semaines », Benyamin Netanyahu a annoncé aux Israéliens que ce ne sont pas deux doses seulement de vaccin à ARNm aux effets long terme inconnus qui seront injectés à la grande majorité de la population israélienne, mais vraisemblablement quatre doses tous les ans, ceci, dans le but, selon les mots du Premier Ministre israélien, de « la protéger contre les pandémies futures ». Ces injections à intervalles rapprochés seront indispensables au renouvellement du « badge vert », offrant aux seuls vaccinés la possibilité de sortir du territoire, ainsi que l’accès aux cafés, aux hôtels, aux salles de sport, de culte, de concert etc.

o Difficulté de mettre en place un débat contradictoire serein sur les politiques sanitaires, dans un contexte de mise au silence des voix contraires à la ligne de communication officielle du gouvernement. Le Ministre de la Santé Yuli Edelstein déclarait ainsi le 16 décembre 2020 que le vaccin Pfizer, pourtant en phase III de test jusqu’en janvier 2023, « avait été testé de toutes les manières possibles » et que « sa mission serait, dans les prochains mois, d’engager un combat contre les fake news ».

  • Par ailleurs, des pressions économiques et financières à la vaccination s’exercent à tous les niveaux, allant pourtant à l’encontre des lois du pays :

o Les entreprises, municipalités, écoles, entreprises, sont soumises à des objectifs de vaccination et fournissent des incitations financières aux personnes qui se vaccinent

o Certains employés qui ne se vaccinent pas sont soumis à des pressions et sont même parfois menacés de licenciement ou de modification de leur contrat de travail. L’obligation vaccinale est déjà une réalité dans certains groupes tels que le géant de la distribution Shufersal. Mais les tribunaux prudhommaux, qui sont saisis de plaintes par milliers, ne semblent plus en capacité de faire appliquer les propres lois du pays.

o De nombreux adolescents ont été obligés de se vacciner pour obtenir le baccalauréat, épisode qui est le prélude à la vaccination déjà programmée pour l’été des enfants de moins de 16 ans, qui constituent un quart de la population israélienne.

o Les personnes non vaccinées subissent des discriminations importantes quant à leurs conditions de sortie du territoire, à l’accès à la culture, aux loisirs, à l’emploi etc. Elles sont également stigmatisées par le gouvernement et par l’ensemble de la société comme « irresponsables ».

  • Enfin, des lois liberticides sont votées par un Parlement quasi-vide, dans ce qui n’est plus qu’un simulacre de démocratie parlementaire. Le 10 mars 2021, par un vote de 5 voix pour et 0 voix contre (le Parlement israélien, appelé la « Knesset », compte 120 députés), l’assemblée plénière de la Knesset a approuvé en première lecture un projet de loi proposant d’utiliser des dispositifs de repérage électroniques (autrement dit des « bracelets électroniques ») pour faire appliquer l’isolement obligatoire des personnes de retour de l’étranger qui souhaitent s’isoler chez elles. Par un vote de 1 voix pour et 0 voix contre, la Knesset a adopté le règlement sur le « badge vert » donnant l’accès aux salles de sport, cafés, lieux de prière etc. aux seuls vaccinés.

Dans un tel contexte, le public israélien est privé d’un débat libre et serein sur la question vaccinale. Beaucoup se vaccinent pour simplement « revenir à une vie normale » ou par pression sociale, sans être vraiment convaincus de l’intérêt du vaccin pour leur propre santé ou pour la santé publique. Beaucoup de non vaccinés, en plus d’avoir perdu leurs libertés fondamentales, doivent faire face à une attitude hostile de leurs collègues de travail ou de leur entourage proche. Dans les deux cas, la politique vaccinale introduit une souffrance morale, doublée d’une perte de confiance envers les institutions du pays.

Les plaies que cette politique vaccinale a ouvertes sont d’ores et déjà très profondes et mettront du temps à se refermer.

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Steve OHANA

I am an economist (PhD), living in Israel. I write about economics, science and politics.